Forum social européen
Le FSE, lieu de résistances à l'«économisme»
40 000 personnes sont attendues. Le mouvement est en croissance continue depuis 1999.
Par Christian LOSSON
mercredi 12 novembre 2003

Forum social européen, an II. Le sommet régional de l'altermondialisation ouvre aujourd'hui ses portes sur un «autre monde» possible. Ou, à défaut, réalisable le plus tôt possible. Les organisateurs ont opté pour les choix (risqués) de la dissémination des débats. Trois mille bénévoles fourmillaient hier encore autour de l'ex-ceinture rouge de la capitale (qui abrite les quatre sites retenus: Paris-La Villette, Bobigny, Ivry et Saint-Denis). Mécanique rodée. Environ 40000 personnes (dont 12000 Européens) sont attendues. Pour phosphorer et échanger autour de ce slogan général-généreux, très petit dénominateur commun: «Pour une Europe des droits dans un monde sans guerre.»

Entre cahier de doléances et états généraux, laboratoires d'alternatives et incubateur de microluttes concrètes, citoyenneté pro-active et contre-feux théoriques à «l'économisme», la mécanique des forums sociaux semble bien rodée. Même si le work in progress permanent résume bien l'empirisme du projet. Ce qu'un militant appelle le «théâtre des résistances». Eclairées. Ou de l'ombre: car il y a aussi les alter-altermondialistes, ces jeunes qui, en marge, veulent arpenter le chemin des radicalités hors des grand-messes. Ou refont le monde dans leur coin.«Il n'y a pas d'unité de lieux, pas d'unité d'acteurs, et l'unité de temps est toute relative», estime un bénévole. A l'arrivée, les participants, entre bribes de colloques, échanges de vues (et de vies), auront plus le sentiment d'avoir participé (collaboré?) que de s'être offert un nouveau petit bréviaire de l'alter. C'est peu, et c'est beaucoup.

Au départ, quand l'idée germe, dans le sillage du choc de Seat tle, en décembre 1999, il y a déjà un désir. Sortir de la confrontation avec les «global leaders». A Bangkok, en février 2000 puis à Genève, trois mois plus tard, les bases d'une réplique régulière du séisme citoyen de Seattle prennent forme. Elles se matérialisent à Porto Alegre l'année suivante, où 15000 personnes, malgré des tribunes squattées par des pros de la révolte, y voient une fenêtre sur un autre monde. Ils étaient 100000 en janvier 2003. A défaut de changer le monde, ils s'interrogent. Porto Alegre a introduit un coin dans les certitudes. Malgré les défis ou les «procès» auxquels ils ont dû faire face (violence, après-11 septem bre, communautarisme aujourd'hui), les cercles de l'al termondialisme ne cessent de s'élargir. Catholiques, écolos-réformistes ou bobos s'y rallient. Loin de l'équation trop simple: alter = gauche de la gauche.

Poupées russes. Aujourd'hui, le maillage institutionnel alter se poursuit. Les Forums sociaux sont les poupées russes de l'altermondialisme. Il y a les mondiaux (prochain rendez-vous: Bombay, du 16 au 21 janvier.. une semaine avant Davos). Entre-temps, les continentaux prennent le relais, d'Afrique (Mali, Ethiopie) en Asie, en passant par l'Amérique du Sud. Les nationaux (près de 40) s'infiltrent dans les brèches. Les locaux (une centaine en marge) s'attellent à travailler le tissu associatif. Et des villes échangent des pratiques. Mais cela n'est qu'un instant T, un prisme déformant de ce qui se passe, au quotidien ailleurs, «de la révolte paysanne en Bolivie aux intermittents du spectacle en France», note une militante. Elus, politiques, l'ont bien compris. Jamais ils n'ont été autant à chercher à comprendre ce qui se joue. Sur la scène alter, comme en coulisses.